Grande-Bergeronnes / Ragueneau (Fleuve Saint-Laurent)  
                    
                  Dimanche, le 8 juillet 2012. Grandes Bergeronnes (Paradis  Marin) 
                   Retour sur la Côte-Nord, mais cette fois-ci nous irons  jusqu’au bout de la route138, Natashquan.Une portion en solo avec un  départ des Grandes Bergeronnes jusqu’à Ragueneau. Ensuite reprendre la route  avec la copine avec quelques sorties dont les îles Mingan. Départ le dimanche 8  juillet, un autre 7 heures de transport. Trois-Rivières, Québec (poutine en  haut de la côte Beaupré), Charlevoix, le Traversier du fjord Saguenay, la  Manicouagan et finalement le Paradis Marin. Sans l’ombre d’un doute,  l’incontournable camping des Bergeronnes. L’endroit est magique, ses  installations irréprochables et son staff accueillant, agréable et dévoué. La  jetée du Paradis Marin sera le début de mon voyage en solo. 
                    
                  A priori, pendant l’hiver, je rêvais d’un voyage de  plusieurs semaines pour me rendre jusqu’à Natashquan. Finalement, le temps des  vacances oblige, je fais de mon mieux pendant une semaine. Pointe des Monts  aurait été un objectif intéressant, l’estuaire du Saint-Laurent devient Golfe.  La météo sera celle qui décide et Ragueneau sera ma destination finale. 
	Lundi, le 9 juillet 2012. Baie des Bacon  
	069 16’ 825’’ W 
	  48 30’ 114’’ N  
	 Début de la journée, vider la voiture et embarquer le tout  dans le kayak. Sûrement le truc que je déteste le plus, remplir le kayak. Je  pose mon kayak non loin de l’eau, la marée descend depuis environ 2 heures. Mon  but est de quitter 2 heures avant la basse mer. Avec des battures un peu longues  en aval, j’espère ainsi me rapprocher du rivage  vers la 3ième heure de marée montante. Ainsi,  je m’évite un portage.  
	  
	Je traîne, je prends mon temps, c’est la première journée.  Finalement, après un petit goûté au café du Paradis Marin, le départ se fait.  Bisou à la copine, nous nous retrouverons dans sept jours.  
	  
	 Enfin sur l’eau. Le rythme est bon et en moins d’une heure  je passe devant le quai des pilotes, les Escoumins. Je retrouve ma copine,  appareil photo en main, j’aurai droit à quelques photos au large. Devant moi,  un gros phoque groenlandais, tout noir, qui ne bouge pas trop. J’ai comme  l’impression qu’il ne m’a pas vu. Sans trop se poser de question, il replonge  pour revenir devant mon kayak une minute plus tard. Cette fois-ci, comme il est  à quelques mètres me moi, je lui lance : Hey ! Mon bonhomme. Pas le  temps de réfléchir, surpris de ma présence, il saute pour mieux plonger. Je ne le  reverrai plus. Il est toujours rigolo de surprendre un phoque. Lors d’un  précédent voyage, avec mon frère, un phoque commun était sorti de l’eau pour  regarder celui-ci qui était devant moi. Sans trop penser que j’étais derrière,  j’ai dû lui siffler ma présence. Retournement et surpris de retrouver quelqu’un  si près de lui, il fait un gigantesque bond pour replonger sous l’eau. Un gros  chien bien gras.  
	  
	 Je continue mon chemin, me rapprocher de Colombier me semble  excellent pour la journée. Une fois passé les Escoumins, une large bande de  batture m’oblige à prendre le large. Je suis à environ 2 miles au large, avec  un vent d’ouest à 20 nœuds. Depuis que j’ai mon kayak Neptune, ce sera la  première fois que j’utilise la dérive. Il est beau être puriste, travailler sur  ses coups de pagaies, circulaires et gîtes. Mais après quelques heures, il est  préférable de travailler sur sa vitesse, la propulsion, que de toujours  corriger son cap. Maintenant à basse mer, la marée va remonter, je sais  que j’en ai encore pour trois heures avant de rejoindre la berge sans me farcir  les battures.  
	  
	4h45 à pagayer, je décide de trouver un coin tranquille pour  passer la nuit. Une petite plage, Baie des Bacon, en amont de Sault au Mouton.  Pour cette première journée, j’ai parcouru 15 miles. Moment de rodage et  quelques pauses pour prendre des photos, demain débuteront les sérieux  coups de pagaie.  
	  
	 Avoir poussé un peu plus, me rendre un peu plus loin vers  Colombier, j’aurais sûrement trouvé refuge chez un riverain. Beaucoup de  maisons sur le bord du fleuve. Alors m’arrêter une heure plus tôt m’offre une  petite plage paisible. Sauf une marmotte, je n’ai vu personne. Fait à noter,  j’aurai souvent, lors de ce voyage, le bruit de la route 138 en arrière-plan.  
	  
	  
	Mardi, le 10 juillet 2012. Camping Baie-Verte, Forestville*. 
	48 44’ 446’’ N 
	  069 03’ 420’’ W 
	Intéressant de mentionner que plus je vais au nord et dans  l’est, plus le soleil se lève tôt. Il est 5h du matin que celui-ci est bien  présent. Lumière et chaleur, pas toujours agréable dans une tente et dans son  sac de couchage. Comme il me faut environ 2h30 pour préparer le tout et me mettre  à l’eau, le départ est prévu pour 7h30. Cela peut sembler long comme  préparation, mais cela comprend tout : émerger, toilette, déjeuner, faire  sécher un peu le matériel, ranger et s’habiller. Souvent, j’aime bien allumer  un petit feu.  
	  
	 La marée descend, la journée se fera en deux temps. 2h30 de  navigation. Étale, 2h à faire le tour de Sainte-Anne-de-Portneuf  et de sa barre à pied. Ensuite, direction  Forestville. 2 autres heures de rotation. Rien de compliqué au niveau de la  météo, beau temps avec un vent sud-ouest de 10 à 15 nœuds.Mise à l’eau en tenant un rythme plutôt calme, cap sur la  Pointe à Boisvert. Prendre un peu le large pour éviter l’estran. Au détour de  ma pointe se présente un bout de plage sur ma droite: Barre de Portneuf. Un  bras de plage qui avance dans l’estuaire. Long d’environ 3 kilomètres, la  partie intérieure est un marais salé, de l’autre côté la plage et la mer. Une  pointe qui se termine au large mais qui débute au village de  Sainte-Anne-de-Portneuf.  
	  
	 Je décide de laisser mon kayak sur la plage, de me changer et  d’aller faire un tour au village. Je vais essayer de téléphoner ma copine, je  n’ai plus de lien de communication avec mon fournisseur de portable. Rien de  trop intéressant au village, quelques maisons sur une rue, mais j’ai trouvé la  frite ! Cantine, Resto de la Place. Sans l’ombre d’un doute, la meilleure  poutine sur la Côte-Nord. Au cours de mes vacances, avec ma multitude de  déplacements, je m’y arrêterai deux fois avec la copine : On roule jusqu’à  Portneuf pour une Poutine ? 
	  
	 Deux heures de soleil, de marche, de faire le tour et  prendre quelques photos, je remballe mon linge et enfile ma tenue de kayakiste.  Remettre le kayak à l’eau, le glisser sur la plage et marcher dans l’eau peu  profonde. La joie des marées. Dernière  étape de la  journée, Forestville. Je passe devant la Pointe des Fortin (intéressante  possibilité de campement), je m’enligne sur une île au loin : Patte de  Lièvres. Pagayer en mer est plutôt simple, enlignement sur un cap ou un azimut  pendant une heure ou deux et ensuite se trouver une autre direction. Après mon  île, la plage de Forestville.  
	  
	 Troisième heures de flot (marée montante), je me cherche un  chemin pour me rapprocher de la plage. Barrage électrique sur ma gauche, la  plage devant, il n’y a plus assez d’eau pour naviguer. Je débarque de mon  kayak. Corde de remorquage sur la proue, j’avance lentement. A la rencontre  d’un père de famille, je lui laisse la corde de mon embarcation. Je marche  jusqu’à l’accueil : vous avez une place pour une tente ? ''Absolument ! C’est 12 $'' 
	  
	 Je peux coucher n’ importe où gratuitement, mais je dois me  rendre au village pour régler mon problème de communication. Je viens  d’apprendre que les propriétaires de téléphone Fido ou Rogers n’ont plus de  liaison sur la Côte Nord – quelques kilomètres passés les Escoumins. Il faut  être abonné à un fournisseur Télus, Bell, Koodo ou, bientôt, Vidéotron. Je  pensais aussi me prendre une bonne douche, mais pas de douche au camping. C’est  un projet pour la prochaine année, selon mes sources. 
	  
	 Quoi dire de Forestville et du camping Baie-Verte ?  Forestville est un village-relais sur la route 138. À mi-chemin entre  Tadoussac et Baie-Comeau, une sorte de Trois-Rivières pour faire le plein et  prendre un café. Toutefois, si l’on prend le  temps, ce que j’ai, il est possible d’y découvrir des gens merveilleux et  l’histoire d’une région. Forestville peut être divisé en deux parties : la  haute et la basse ville. En haut, la route 138, épiceries, stations-service,  restaurants et autres. En bas, il y a le fleuve, le camping, la plage, la jetée  et l’accès au traversier pour Rimouski. Dans la basse ville, il est aussi  possible de faire quelques randonnées et de visiter les installations de jadis  pour l’industrie du bois. Comme l’arboriduc, des mots arbre (arboricole) et  aqueduc, qui servait jadis à acheminer le bois – ces pitounes de 4 pieds – d’en  haut jusqu’au fleuve. 
	  
	 Le camping est situé dans une petite baie à un peu plus d’un  kilomètre du village. Devant le fleuve, une portion en hauteur, des  plates-formes en bois permettent d’installer une tente. Un peu plus bas,  sur la droite, le paradis des roulottes. J’aime bien l’aménagement, ce petit  côté en retrait. Malheureusement, il n’y a pas vraiment de place, à côté des  plates-formes, pour se faire un feu. Mais la vue sur l’environnement, la plage,  le port et le fleuve permet de mieux oublier les guimauves.  
	  
	Je ne peux m’empêcher d’écrire sur le personnel, il est absolument  merveilleux. Il est toujours agréable de discuter avec eux et me faire raconter  l’histoire de Forestville. Sans oublier me faire reconduire au village ou me  faire offrir un vélo. Merci beaucoup à Russel Tremblay, Valérie Campeau, Serge  Tremblay, Michael et les autres dont les noms m’échappent.  
	  
	C’est ma fête aujourd’hui ! J’en profite pour monter au  village me prendre deux bières. Ce soir, je vais m’installer tranquillement  avec deux Fin du Monde et regarder le coucher de soleil devant l’estuaire du  Saint-Laurent.  
	  
	Mercredi, le 11 juillet 2012. Forestville. 
	Pas de kayak aujourd’hui, le vent sud-ouest a décidé que je  n’irais pas à l’eau. 30, 35 nœuds en plus des rafales. Ça donne le goût pour le  surf.  
	  
	Réveillé tôt, je rencontre le premier employé du camping en  poste, Michael. 7h du matin et discussion devant l’accueil, il me propose de  prendre son vélo pour me rendre au village. Simplement le rapporter avant 15h.  
	  
	 Pour le petit déjeuner, je n’ai pas trop envie de cuisiner.  Je prend le vélo et débute la montée vers le village. Bouffe de dépanneur avec  yogourt, sandwich et fromage. J’en profite pour téléphoner à ma fiancée. J’ai  la larme à l’œil. Je sais que cela ne fait que 3 jours que nous nous sommes  quittés, mais le fait d’être un peu loin, seul, avec rien... Il faudra mieux  m’y faire lors de mes prochains voyages, la solitude. Tout cela me rappelle  l’année précédente, les Galapagos à vélo et les longues heures à Quito ou  Guajaquil.  
	  
	 Je trouve finalement un nouveau téléphone chez Provigo. Un  portable qui s’ouvre pour accéder au clavier et envoyer des textos. Je viens de  reprendre contact avec mon monde. Je descends au camping. Définition de Russel  sur cette route qui descend sur plus de 500 mètres : « garder les  deux mains sur le volant. » En effet, ça descend ! De plus, avec le  vélo de Michael, les freins ne fonctionnent pas merveilleusement bien et les  roues ne sont pas trop alignées. Galapagos, disais-je ? Pour  activer mon nouveau téléphone, je devrai retourner au village, à l’accueil qui  se trouve à l’entrée de celui-ci. Je deviens bon en vélo et en plus nous sommes  en plein tour de France. Je vais redescendre avec un nouveau téléphone activé,  mais non rechargé. Mon panneau solaire qui ne vaut pas grand-chose, je vais  utiliser la prise de courant. J’en profite aussi pour faire le tour à pied. Au  lieu du kayak, marche et vélo. Seconde nuit devant mon fleuve. 
	  
	Jeudi, le 12 juillet 2012. Baie Blanche. 
	48 49' 317’’ N 
	  068 54’ 464’’ W 
	Nuageux avec 60% de probabilité d’averses. Risque d’un  orage. Vent du sud-ouest de 25 à 35 nœuds diminuant de 15 à 25 nœuds.  Visibilité de 1 mile dans l’orage.  
	  
	La question est plutôt simple : vais-je passer une  autre journée à Forestville ou essayer une sortie pour gagner quelques  miles ? De la baie, il n’y a pas trop de vent et le ciel est gris avec  quelques trous de ciel bleu. Pas trop. Au large, des vagues et quelques  moutons. Un vent sud-ouest et un fleuve qui descend, c’est jouable. Réveil à  6h30, je décide d’emballer le tout et de décider vers 9 heures si j’attaque ou  non. 
	  
	Déjeuner, faire sécher le sac de couchage, emballer le  matériel dans le kayak, salutations au personnel du camping, le tout à un  rythme d’escargot, je suis prêt aux alentours de 10h. La décision est prise, je  me lance.  
	  
	 Sortie de la Baie Verte, les vagues deviennent de plus en  plus intéressantes. Cap Pointe Rocheuse, ensuite Pointe Laval, un mur de pierre  me donne l’occasion de danser avec mes premières vagues réfléchies (de  réflexions) de ce voyage. Un mètre de hauteur (les vagues), ça vient de gauche  et de droite. Pendant quelques minutes, c’est la sensation d’être dans une  machine à laver. Après Pointe Laval, vagues de fetch, passage dans la baie  Laval. Moment tranquille en passant derrière l’île de Laval. Il me faut ensuite  prendre le large à baie des Plongeurs, je vais arriver dans la batture aux  Gibiers avec un cap sur le Cran à Gagnon. Il reste encore quelques heures avant  la basse mer, je suis à environ un mile du large. 
	  
	Pour la première fois de ma vie, en solo, je vais vivre le  large, des vagues plus hautes que moi et une eau à environ 4 degrés. Je ne suis  pas gros dans mon kayak. Observation sur l’environnement, les vagues sont assez  uniformes. Elles arrivent, à une assez grande distance (10 à 15 mètres), une  après l’autre. Parfois, une est plus haute que les autres. J’attaque les vagues  avec ma pointe de kayak. Peu d’angle, quelques degrés du franc bord. Je veux  avoir la vague le plus devant moi et moins sur le côté. Je pourrai faire  quelques minutes ainsi pour ensuite changer de cap avec une vague derrière. Surfer,  gagner en vitesse et me rassurer. Entre deux vagues, la sensation est étrange,  je me pose certaines questions : comment gérer, continuer, arrêter ?  En plein milieu, je ne vois plus rien sur la  gauche ou sur la droite. Pas de berge, pas de large, je suis entre deux vagues.  Elles sont plus hautes que moi. Je remonte une vague, je retrouve le panorama.  Je vais et je viens, je monte et je descends. Au passage du cran à Gagnon, je  serai à l’abri des vagues pour quelques minutes.  
	  
	 L’objectif de la journée était de me rendre à Havre  Colombier. J’arrêterai deux miles avant sur une plage de la baie Blanche.  Toujours au large, mon cap est maintenant cette plage non loin de la rivière  Colombier. Les vagues derrières, pagayer rapidement, gouvernail, je surfe jusqu’à  la plage. Comme l’eau devient moins profonde, les vagues déferlent et se  cassent. Le truc est de rester sur la même vague, mettre un pied dehors à  l’approche de la berge et de sortir rapidement pour éviter les vagues de  derrière. Une fois sortie, j’attrape la proue du kayak pour le monter sur la  plage. Ouf ! 
	  
	Petite journée en terme de distance avec 8 miles au  compteur, mais rempli d’émotions avec le plan d’eau. J’ai déjà eu des journées  avec des vents de 25 à 35 nœuds sur des lacs ou le fleuve, mais l’effet de  distance sur l’eau n’était pas assez grand pour la formation de vagues. Cette  fois-ci, ça vient de loin.  
	  
	 Recherche d’un coin pour planter la tente, je m’installe sur  le haut d'une plage, juste avant la forêt. A remarquer les algues, la marée ne  devrait pas monter jusqu'à moi. Comme elle sera haute vers 23 heures, je  jetterai un coup d’œil dehors. Nous sommes encore tôt dans l’après-midi, je me  change et me met à l’abri du vent derrière quelques rochers. Face à l’estuaire  débute ce qui m’est le plus difficile en voyage solo : ne rien faire. Quelques  heures à regarder les vagues avec le son en surround. Cela peut paraître  mignon, mais sur plusieurs journées, ça me semble lourd. De plus, les prochains  jours, j’aurai toujours droit à de superbes orages. La plage et son sable  mouillé colle au pied. Au final, il y en a partout : tente, linge, sac de  couchage, etc. Quitte à me répéter, je dois (et devrai) travailler sur cet  aspect de solitude et de ne rien faire pendant des heures.  
	  
	Je pense à l’ami Rock qui en 82 jours se rend de Montréal  jusqu’à St-Jean, Terre-Neuve. Je lui lève mon chapeau. Travailler à pousser ses  limites. Jusqu’à présent, ce voyage m’informe sur tout ce que je dois  travailler pour m’améliorer. Mieux préparer mon corps, ma tête et tout mon  matériel.  
	   
	Vendredi, le 13 juillet 2012. Pointe à Michel. 
	48 54’ 112 N 
	  068 38’ 126 W 
	C’est décidé, le point de sortie sera Ragueneau. Discussion  avec la copine, ma fermeture de plan de route sera samedi au quai municipal. Il  me faudra passer un dimanche à attendre, car elle quittera Lanaudière le matin.  Ensuite, un bref retour au Paradis Marin avant un départ pour la basse  Côte-Nord et une sortie dans les îles Mingan. Quitte à être dans le coin, nous  terminerons par une visite chez monsieur Vigneault, Natashquan. 
	  
	 Réveil à 5 heures du matin, j’ai eu droit à un superbe orage  pendant la nuit. La toile qui bouge dans tous les sens et le son de l’eau qui  tombe, pas évident de dormir. Mais c’est quand même charmant comme sonorité.  J’ai le sentiment d’être bercé par le rythme de la pluie qui frappe la toile. Alors  j’écoute, avec mon sable de plage un peu partout. Lampe de poche, un peu de  lecture et regarder les cartes. 
	  
	Pour me rendre à Ragueneau, il y a les battures à gérer. Il  me faut y arriver à marée montante pour éviter d’être prisonnier de l’estran.  Alors le plan de la journée sera de faire quelques miles et me rapprocher de  mon point de sortie. Passer le Cap Colombier, Ilets Jérémie et direction la  Pointe à Michel. Un petit bout de plage -encore-  très sympathique avant la réserve amérindienne  de Betsiamites. 12 miles à parcourir que je ferai en 4 heures. Pour la première  fois, j’ai droit à un vent de face (nord-est) qui ne me permet pas de gagner en  vitesse.  
	  
	 Je quitte ma baie, l’eau est calme. Le fond de l’eau est  vert, je peux même voir les algues au fond. Je passe le Cap Colombier, qui  était mon objectif de la veille, et je me rends jusqu’aux Ilets Jérémie. Sur  quelques miles, une succession de petits chalets sur le bord du fleuve. Une  grosse maison, la plus belle du lot avec son phare, c’est la dernière. Débute  alors une longue plage d’environ 5 miles nautique jusqu’à la Pointe à Michel.  Cet endroit sera la fin de ma journée, un mile avant la Baie des Outardes. Baie  que j’aurai à traverser demain pour mon point de sortie. 
	  
	 Pointe à Michel, j’ai installé mon kayak à environ une  centaine de mètres de la berge. La mer descend pour encore 3 heures. Je ferai  quelques fois l’aller-retour pour vider mon kayak et installer mon campement  pour la nuit. Intéressant de noter, l’endroit est un paradis pour les quads.  Les 4 roues. Régulièrement, il en passe devant moi sur la plage. Ils m’envoient  gentiment la main sans trop remarquer mon kayak qui est sur le bord de l’eau.  Pour être certain qu’aucun accident ne survienne, je décide de monter mon kayak  non loin du campement. Une belle remontée de 100 mètres avec un kayak encore  assez lourd.  
	  
	Cette fois-ci, un petit feu tranquille vers les 17h. Ce  n’est pas le bois de berge qui manque. Pour rajouter à mon bonheur, avant mes  orages de la nuit, j’ai le droit à une petite averse. Dans le sable, les pieds  mouillés, je décide de préparer le souper. Un peu de vent, le réchaud  MSR fait des siennes. Un key roll trop vieux qui décide de laisser passer  l’essence, ce sera la dernière fois que je pourrai l’utiliser. Pour faire bouillir  mon eau, j’utiliserai énormément de combustible et il ne me restera qu’un quart  de bouteille.  
	  
	Samedi, le 14 juillet 2012. Ragueneau. 
	  
	Dernière journée de kayak. Destination, le quai municipal de  Ragueneau. En quittant la Pointe à Michel, j’attaque la Baie des Outardes. Cap  sur les isles de la Mine et Blanche à une distance d’environ 10 miles, je serai  à un peu plus de 3 miles au large.  
	  
	 La marée monte, j’arriverai à mon point de sortie une heure  après l’étale. Pour sortir de ma pointe et éviter celle de Betsiamites, je  prends le large. 2 miles de parcourus, des dizaines (un peu plus d’une  cinquantaine ?) de phoques, tout alentour de moi, me regardent. Il y en a  partout, je n’en ai jamais vu autant. Comme l’eau n’est pas encore à son plus haut  niveau, des petits sont couchés sur la batture de Betsiamites. Je prends encore  plus le large  pour éviter d’être trop  proche des petits. Partout, j’ai une escorte. Je suis entouré de phoques qui  sortent leur tête et ensuite plongent. Je me pose la question : sont-ils  agressifs ? Pendant plus de 45 minutes, je vais avoir une escorte derrière  mon kayak. Je pagaie, cap sur mes isles, et j’entends certains phoques sauter  ou faire du bruit en plongeant. 
	  
	Contrairement au Fjord Saguenay, je n’ai pas grand endroit pour  remplir mes bouteilles d’eau. Pour cette dernière journée, il me reste un litre  dans le caisson de jour et un litre dans mon sac accroché à ma veste. Si le  soir j’ai le droit à des orages, aujourd’hui il fait chaud. La dernière heure,  je la ferai à sec. Trop chargé, je n’ose pas ouvrir le caisson de jour pour  prendre ma réserve. J’ai soif, il me faudra attendre.  
	  
	Betsiamites, village amérindien sur ma gauche. Plusieurs  petites maisons et une église vue de loin, il aurait été agréable de passer  plus proche. De la route, sauf les sapins et les affiches d’une réserve  indienne, il n’y a pas grand-chose à voir. Dommage.  
	  
	 Je me rapproche de mes isles, mon cap (amer) est une sorte  de tour blanche. De loin, je ne peux pas dire ce qu’il en est. Un coup de pagaie,  l’un après l’autre, j’avance lentement. Je remarques des isles sur ma droite,  j’étais quelques degrés trop sur la gauche. Je corrige mon azimut, je me rapproche.  Maintenant, de plus en plus près, ma tour blanche est en fait un obélisque.  C’est le quai municipal accommodé pour les visiteurs. Un bonhomme fort  sympathique, Rénald Girard, qui habite Ragueneau depuis bien des années a eu  l’idée de créer des scultures en béton. Deux dinosaures et un obélisque de 100  pieds de haut. Le lendemain, quand je serai en train d’attendre ma douce,  j’aurai le plaisir de bavarder avec le bonhomme pendant deux heures. Histoires  du coin, comment est la vie sur la Côte-Nord. Russel avait raison, une fois le  premier contact passé, les gens de la région sont merveilleux. 
	  
	Ce qui est bien avec ce quai municipal, c’est le gazebo pour  se mettre à l’abri et bouffer un truc. Plusieurs gens s’y arrêtent et s’est  aussi un endroit intéressant pour observer les oiseaux sur les îles non loin. 
	  
	 Derniers instants, je passe à côté des îles de la Mine et  Blanche. Il y a des milliers de Goélands et Cormorans qui peuplent ces îles. Le  bruit est incessant, jour et nuit, et l’odeur est affreuse. J’apprendrai plus  tard qu’il y avait des arbres jadis sur ces îles. Excrément de cormorans, il ne  reste plus que 3 ou 4 conifères, petits et timides. Comme je passe non loin,  que le cormoran n’est pas un oiseau des plus braves, je provoque un décollage  massif de la colonie. Je sais, il ne faut pas déranger les animaux. Je pensais  être assez loin, faut croire que non.  
	  
	Me voilà arrivé ! Je débarque, je monte jusqu’au  stationnement et découvre un petit couple de Québec en train de bouffer une  salade de chez McDo.  
	  
	-Excusez-moi, vous savez s’il y a un dépanneur pas  loin ? 
	  
	-Au village. J’irais bien te reconduire, mais l’auto est  remplie. 
	  
	J’aime bien les gens de Québec. Je les remercie et leur  explique que je suis en expédition solo et qu’il me reste encore pour quelques jours  de nourriture. Habillé comme je suis, je passe plus pour le bonhomme 7  heures. Qui est ce drôle de bonhomme habillé en rouge qui sort de nulle-  part ? 
	  
	 Je vais passer une soirée et une nuit sans bières ?  J’attaque une heure pour me rendre au centre du village. J’accoste sur la berge  à côté de l’accueil touristique de Ragueneau. Une jeune fille charmante  (Valérie Tremblay) m’explique comment m’y retrouver. Un six pack de Bud, des  Ruffle’s all dress et des bouteilles remplies d’eau fraîche, j’ai fait le plein  de l’essentiel pour ma soirée. Je discute un peu avec Valérie, rempli son  sondage sur la région et je retourne au quai municipal. J’y passerai la nuit,  sous l’orage, derrière l’obélisque.  
	  
	 Au fil du temps, j’ai navigué sur le fleuve de Montréal  jusqu’à la péninsule de Manicouagan. En solo ou en duo, je suis à deux doigts  de me rendre jusqu’au Golfe du Saint-Laurent. Ce plan d’eau m’est magique.  Pour les prochains jours, nous irons aux îles Mingan et ensuite Natashquan.  « Les gens de ce pays… » Un bel été de 2012… 
	  
	  
	  
	Version 4,12 décembre  2012 
	*Merci à la municipalité de Forestville pour les photos d'arboriduc	 
    
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