Grande-Bergeronnes / Ragueneau (Fleuve Saint-Laurent)

 

Dimanche, le 8 juillet 2012. Grandes Bergeronnes (Paradis Marin)

Retour sur la Côte-Nord, mais cette fois-ci nous irons jusqu’au bout de la route138, Natashquan.Une portion en solo avec un départ des Grandes Bergeronnes jusqu’à Ragueneau. Ensuite reprendre la route avec la copine avec quelques sorties dont les îles Mingan. Départ le dimanche 8 juillet, un autre 7 heures de transport. Trois-Rivières, Québec (poutine en haut de la côte Beaupré), Charlevoix, le Traversier du fjord Saguenay, la Manicouagan et finalement le Paradis Marin. Sans l’ombre d’un doute, l’incontournable camping des Bergeronnes. L’endroit est magique, ses installations irréprochables et son staff accueillant, agréable et dévoué. La jetée du Paradis Marin sera le début de mon voyage en solo.

 

A priori, pendant l’hiver, je rêvais d’un voyage de plusieurs semaines pour me rendre jusqu’à Natashquan. Finalement, le temps des vacances oblige, je fais de mon mieux pendant une semaine. Pointe des Monts aurait été un objectif intéressant, l’estuaire du Saint-Laurent devient Golfe. La météo sera celle qui décide et Ragueneau sera ma destination finale.

Lundi, le 9 juillet 2012. Baie des Bacon

069 16’ 825’’ W
48 30’ 114’’ N 

Début de la journée, vider la voiture et embarquer le tout dans le kayak. Sûrement le truc que je déteste le plus, remplir le kayak. Je pose mon kayak non loin de l’eau, la marée descend depuis environ 2 heures. Mon but est de quitter 2 heures avant la basse mer. Avec des battures un peu longues en aval, j’espère ainsi me rapprocher du rivage  vers la 3ième heure de marée montante. Ainsi, je m’évite un portage.

 

Je traîne, je prends mon temps, c’est la première journée. Finalement, après un petit goûté au café du Paradis Marin, le départ se fait. Bisou à la copine, nous nous retrouverons dans sept jours.

 

Enfin sur l’eau. Le rythme est bon et en moins d’une heure je passe devant le quai des pilotes, les Escoumins. Je retrouve ma copine, appareil photo en main, j’aurai droit à quelques photos au large. Devant moi, un gros phoque groenlandais, tout noir, qui ne bouge pas trop. J’ai comme l’impression qu’il ne m’a pas vu. Sans trop se poser de question, il replonge pour revenir devant mon kayak une minute plus tard. Cette fois-ci, comme il est à quelques mètres me moi, je lui lance : Hey ! Mon bonhomme. Pas le temps de réfléchir, surpris de ma présence, il saute pour mieux plonger. Je ne le reverrai plus. Il est toujours rigolo de surprendre un phoque. Lors d’un précédent voyage, avec mon frère, un phoque commun était sorti de l’eau pour regarder celui-ci qui était devant moi. Sans trop penser que j’étais derrière, j’ai dû lui siffler ma présence. Retournement et surpris de retrouver quelqu’un si près de lui, il fait un gigantesque bond pour replonger sous l’eau. Un gros chien bien gras.

 

Je continue mon chemin, me rapprocher de Colombier me semble excellent pour la journée. Une fois passé les Escoumins, une large bande de batture m’oblige à prendre le large. Je suis à environ 2 miles au large, avec un vent d’ouest à 20 nœuds. Depuis que j’ai mon kayak Neptune, ce sera la première fois que j’utilise la dérive. Il est beau être puriste, travailler sur ses coups de pagaies, circulaires et gîtes. Mais après quelques heures, il est préférable de travailler sur sa vitesse, la propulsion, que de toujours corriger son cap. Maintenant à basse mer, la marée va remonter, je sais que j’en ai encore pour trois heures avant de rejoindre la berge sans me farcir les battures.

 

4h45 à pagayer, je décide de trouver un coin tranquille pour passer la nuit. Une petite plage, Baie des Bacon, en amont de Sault au Mouton. Pour cette première journée, j’ai parcouru 15 miles. Moment de rodage et quelques pauses pour prendre des photos, demain débuteront les sérieux coups de pagaie.

 

Avoir poussé un peu plus, me rendre un peu plus loin vers Colombier, j’aurais sûrement trouvé refuge chez un riverain. Beaucoup de maisons sur le bord du fleuve. Alors m’arrêter une heure plus tôt m’offre une petite plage paisible. Sauf une marmotte, je n’ai vu personne. Fait à noter, j’aurai souvent, lors de ce voyage, le bruit de la route 138 en arrière-plan.

 

 

Mardi, le 10 juillet 2012. Camping Baie-Verte, Forestville*.

48 44’ 446’’ N
069 03’ 420’’ W

Intéressant de mentionner que plus je vais au nord et dans l’est, plus le soleil se lève tôt. Il est 5h du matin que celui-ci est bien présent. Lumière et chaleur, pas toujours agréable dans une tente et dans son sac de couchage. Comme il me faut environ 2h30 pour préparer le tout et me mettre à l’eau, le départ est prévu pour 7h30. Cela peut sembler long comme préparation, mais cela comprend tout : émerger, toilette, déjeuner, faire sécher un peu le matériel, ranger et s’habiller. Souvent, j’aime bien allumer un petit feu.

 

La marée descend, la journée se fera en deux temps. 2h30 de navigation. Étale, 2h à faire le tour de Sainte-Anne-de-Portneuf  et de sa barre à pied. Ensuite, direction Forestville. 2 autres heures de rotation. Rien de compliqué au niveau de la météo, beau temps avec un vent sud-ouest de 10 à 15 nœuds.Mise à l’eau en tenant un rythme plutôt calme, cap sur la Pointe à Boisvert. Prendre un peu le large pour éviter l’estran. Au détour de ma pointe se présente un bout de plage sur ma droite: Barre de Portneuf. Un bras de plage qui avance dans l’estuaire. Long d’environ 3 kilomètres, la partie intérieure est un marais salé, de l’autre côté la plage et la mer. Une pointe qui se termine au large mais qui débute au village de Sainte-Anne-de-Portneuf.

 

Je décide de laisser mon kayak sur la plage, de me changer et d’aller faire un tour au village. Je vais essayer de téléphoner ma copine, je n’ai plus de lien de communication avec mon fournisseur de portable. Rien de trop intéressant au village, quelques maisons sur une rue, mais j’ai trouvé la frite ! Cantine, Resto de la Place. Sans l’ombre d’un doute, la meilleure poutine sur la Côte-Nord. Au cours de mes vacances, avec ma multitude de déplacements, je m’y arrêterai deux fois avec la copine : On roule jusqu’à Portneuf pour une Poutine ?

 

Deux heures de soleil, de marche, de faire le tour et prendre quelques photos, je remballe mon linge et enfile ma tenue de kayakiste. Remettre le kayak à l’eau, le glisser sur la plage et marcher dans l’eau peu profonde. La joie des marées. Dernière  étape de la journée, Forestville. Je passe devant la Pointe des Fortin (intéressante possibilité de campement), je m’enligne sur une île au loin : Patte de Lièvres. Pagayer en mer est plutôt simple, enlignement sur un cap ou un azimut pendant une heure ou deux et ensuite se trouver une autre direction. Après mon île, la plage de Forestville.

 

Troisième heures de flot (marée montante), je me cherche un chemin pour me rapprocher de la plage. Barrage électrique sur ma gauche, la plage devant, il n’y a plus assez d’eau pour naviguer. Je débarque de mon kayak. Corde de remorquage sur la proue, j’avance lentement. A la rencontre d’un père de famille, je lui laisse la corde de mon embarcation. Je marche jusqu’à l’accueil : vous avez une place pour une tente ? ''Absolument ! C’est 12 $''

 

Je peux coucher n’ importe où gratuitement, mais je dois me rendre au village pour régler mon problème de communication. Je viens d’apprendre que les propriétaires de téléphone Fido ou Rogers n’ont plus de liaison sur la Côte Nord – quelques kilomètres passés les Escoumins. Il faut être abonné à un fournisseur Télus, Bell, Koodo ou, bientôt, Vidéotron. Je pensais aussi me prendre une bonne douche, mais pas de douche au camping. C’est un projet pour la prochaine année, selon mes sources.

 

Quoi dire de Forestville et du camping Baie-Verte ? Forestville est un village-relais sur la route 138. À mi-chemin entre Tadoussac et Baie-Comeau, une sorte de Trois-Rivières pour faire le plein et  prendre un café. Toutefois, si l’on prend le temps, ce que j’ai, il est possible d’y découvrir des gens merveilleux et l’histoire d’une région. Forestville peut être divisé en deux parties : la haute et la basse ville. En haut, la route 138, épiceries, stations-service, restaurants et autres. En bas, il y a le fleuve, le camping, la plage, la jetée et l’accès au traversier pour Rimouski. Dans la basse ville, il est aussi possible de faire quelques randonnées et de visiter les installations de jadis pour l’industrie du bois. Comme l’arboriduc, des mots arbre (arboricole) et aqueduc, qui servait jadis à acheminer le bois – ces pitounes de 4 pieds – d’en haut jusqu’au fleuve.

 

Le camping est situé dans une petite baie à un peu plus d’un kilomètre du village. Devant le fleuve, une portion en hauteur, des plates-formes en bois permettent d’installer une tente. Un peu plus bas, sur la droite, le paradis des roulottes. J’aime bien l’aménagement, ce petit côté en retrait. Malheureusement, il n’y a pas vraiment de place, à côté des plates-formes, pour se faire un feu. Mais la vue sur l’environnement, la plage, le port et le fleuve permet de mieux oublier les guimauves.

 

Je ne peux m’empêcher d’écrire sur le personnel, il est absolument merveilleux. Il est toujours agréable de discuter avec eux et me faire raconter l’histoire de Forestville. Sans oublier me faire reconduire au village ou me faire offrir un vélo. Merci beaucoup à Russel Tremblay, Valérie Campeau, Serge Tremblay, Michael et les autres dont les noms m’échappent.

 

C’est ma fête aujourd’hui ! J’en profite pour monter au village me prendre deux bières. Ce soir, je vais m’installer tranquillement avec deux Fin du Monde et regarder le coucher de soleil devant l’estuaire du Saint-Laurent.

 

Mercredi, le 11 juillet 2012. Forestville.

Pas de kayak aujourd’hui, le vent sud-ouest a décidé que je n’irais pas à l’eau. 30, 35 nœuds en plus des rafales. Ça donne le goût pour le surf.

 

Réveillé tôt, je rencontre le premier employé du camping en poste, Michael. 7h du matin et discussion devant l’accueil, il me propose de prendre son vélo pour me rendre au village. Simplement le rapporter avant 15h.

 

Pour le petit déjeuner, je n’ai pas trop envie de cuisiner. Je prend le vélo et débute la montée vers le village. Bouffe de dépanneur avec yogourt, sandwich et fromage. J’en profite pour téléphoner à ma fiancée. J’ai la larme à l’œil. Je sais que cela ne fait que 3 jours que nous nous sommes quittés, mais le fait d’être un peu loin, seul, avec rien... Il faudra mieux m’y faire lors de mes prochains voyages, la solitude. Tout cela me rappelle l’année précédente, les Galapagos à vélo et les longues heures à Quito ou Guajaquil.

 

Je trouve finalement un nouveau téléphone chez Provigo. Un portable qui s’ouvre pour accéder au clavier et envoyer des textos. Je viens de reprendre contact avec mon monde. Je descends au camping. Définition de Russel sur cette route qui descend sur plus de 500 mètres : « garder les deux mains sur le volant. » En effet, ça descend ! De plus, avec le vélo de Michael, les freins ne fonctionnent pas merveilleusement bien et les roues ne sont pas trop alignées. Galapagos, disais-je ? Pour activer mon nouveau téléphone, je devrai retourner au village, à l’accueil qui se trouve à l’entrée de celui-ci. Je deviens bon en vélo et en plus nous sommes en plein tour de France. Je vais redescendre avec un nouveau téléphone activé, mais non rechargé. Mon panneau solaire qui ne vaut pas grand-chose, je vais utiliser la prise de courant. J’en profite aussi pour faire le tour à pied. Au lieu du kayak, marche et vélo. Seconde nuit devant mon fleuve.

 

Jeudi, le 12 juillet 2012. Baie Blanche.

48 49' 317’’ N
068 54’ 464’’ W

Nuageux avec 60% de probabilité d’averses. Risque d’un orage. Vent du sud-ouest de 25 à 35 nœuds diminuant de 15 à 25 nœuds. Visibilité de 1 mile dans l’orage.

 

La question est plutôt simple : vais-je passer une autre journée à Forestville ou essayer une sortie pour gagner quelques miles ? De la baie, il n’y a pas trop de vent et le ciel est gris avec quelques trous de ciel bleu. Pas trop. Au large, des vagues et quelques moutons. Un vent sud-ouest et un fleuve qui descend, c’est jouable. Réveil à 6h30, je décide d’emballer le tout et de décider vers 9 heures si j’attaque ou non.

 

Déjeuner, faire sécher le sac de couchage, emballer le matériel dans le kayak, salutations au personnel du camping, le tout à un rythme d’escargot, je suis prêt aux alentours de 10h. La décision est prise, je me lance.

 

Sortie de la Baie Verte, les vagues deviennent de plus en plus intéressantes. Cap Pointe Rocheuse, ensuite Pointe Laval, un mur de pierre me donne l’occasion de danser avec mes premières vagues réfléchies (de réflexions) de ce voyage. Un mètre de hauteur (les vagues), ça vient de gauche et de droite. Pendant quelques minutes, c’est la sensation d’être dans une machine à laver. Après Pointe Laval, vagues de fetch, passage dans la baie Laval. Moment tranquille en passant derrière l’île de Laval. Il me faut ensuite prendre le large à baie des Plongeurs, je vais arriver dans la batture aux Gibiers avec un cap sur le Cran à Gagnon. Il reste encore quelques heures avant la basse mer, je suis à environ un mile du large.

 

Pour la première fois de ma vie, en solo, je vais vivre le large, des vagues plus hautes que moi et une eau à environ 4 degrés. Je ne suis pas gros dans mon kayak. Observation sur l’environnement, les vagues sont assez uniformes. Elles arrivent, à une assez grande distance (10 à 15 mètres), une après l’autre. Parfois, une est plus haute que les autres. J’attaque les vagues avec ma pointe de kayak. Peu d’angle, quelques degrés du franc bord. Je veux avoir la vague le plus devant moi et moins sur le côté. Je pourrai faire quelques minutes ainsi pour ensuite changer de cap avec une vague derrière. Surfer, gagner en vitesse et me rassurer. Entre deux vagues, la sensation est étrange, je me pose certaines questions : comment gérer, continuer, arrêter ?  En plein milieu, je ne vois plus rien sur la gauche ou sur la droite. Pas de berge, pas de large, je suis entre deux vagues. Elles sont plus hautes que moi. Je remonte une vague, je retrouve le panorama. Je vais et je viens, je monte et je descends. Au passage du cran à Gagnon, je serai à l’abri des vagues pour quelques minutes.

 

L’objectif de la journée était de me rendre à Havre Colombier. J’arrêterai deux miles avant sur une plage de la baie Blanche. Toujours au large, mon cap est maintenant cette plage non loin de la rivière Colombier. Les vagues derrières, pagayer rapidement, gouvernail, je surfe jusqu’à la plage. Comme l’eau devient moins profonde, les vagues déferlent et se cassent. Le truc est de rester sur la même vague, mettre un pied dehors à l’approche de la berge et de sortir rapidement pour éviter les vagues de derrière. Une fois sortie, j’attrape la proue du kayak pour le monter sur la plage. Ouf !

 

Petite journée en terme de distance avec 8 miles au compteur, mais rempli d’émotions avec le plan d’eau. J’ai déjà eu des journées avec des vents de 25 à 35 nœuds sur des lacs ou le fleuve, mais l’effet de distance sur l’eau n’était pas assez grand pour la formation de vagues. Cette fois-ci, ça vient de loin.

 

Recherche d’un coin pour planter la tente, je m’installe sur le haut d'une plage, juste avant la forêt. A remarquer les algues, la marée ne devrait pas monter jusqu'à moi. Comme elle sera haute vers 23 heures, je jetterai un coup d’œil dehors. Nous sommes encore tôt dans l’après-midi, je me change et me met à l’abri du vent derrière quelques rochers. Face à l’estuaire débute ce qui m’est le plus difficile en voyage solo : ne rien faire. Quelques heures à regarder les vagues avec le son en surround. Cela peut paraître mignon, mais sur plusieurs journées, ça me semble lourd. De plus, les prochains jours, j’aurai toujours droit à de superbes orages. La plage et son sable mouillé colle au pied. Au final, il y en a partout : tente, linge, sac de couchage, etc. Quitte à me répéter, je dois (et devrai) travailler sur cet aspect de solitude et de ne rien faire pendant des heures.

 

Je pense à l’ami Rock qui en 82 jours se rend de Montréal jusqu’à St-Jean, Terre-Neuve. Je lui lève mon chapeau. Travailler à pousser ses limites. Jusqu’à présent, ce voyage m’informe sur tout ce que je dois travailler pour m’améliorer. Mieux préparer mon corps, ma tête et tout mon matériel.

Vendredi, le 13 juillet 2012. Pointe à Michel.

48 54’ 112 N
068 38’ 126 W

C’est décidé, le point de sortie sera Ragueneau. Discussion avec la copine, ma fermeture de plan de route sera samedi au quai municipal. Il me faudra passer un dimanche à attendre, car elle quittera Lanaudière le matin. Ensuite, un bref retour au Paradis Marin avant un départ pour la basse Côte-Nord et une sortie dans les îles Mingan. Quitte à être dans le coin, nous terminerons par une visite chez monsieur Vigneault, Natashquan.

 

Réveil à 5 heures du matin, j’ai eu droit à un superbe orage pendant la nuit. La toile qui bouge dans tous les sens et le son de l’eau qui tombe, pas évident de dormir. Mais c’est quand même charmant comme sonorité. J’ai le sentiment d’être bercé par le rythme de la pluie qui frappe la toile. Alors j’écoute, avec mon sable de plage un peu partout. Lampe de poche, un peu de lecture et regarder les cartes.

 

Pour me rendre à Ragueneau, il y a les battures à gérer. Il me faut y arriver à marée montante pour éviter d’être prisonnier de l’estran. Alors le plan de la journée sera de faire quelques miles et me rapprocher de mon point de sortie. Passer le Cap Colombier, Ilets Jérémie et direction la Pointe à Michel. Un petit bout de plage -encore-  très sympathique avant la réserve amérindienne de Betsiamites. 12 miles à parcourir que je ferai en 4 heures. Pour la première fois, j’ai droit à un vent de face (nord-est) qui ne me permet pas de gagner en vitesse.

 

Je quitte ma baie, l’eau est calme. Le fond de l’eau est vert, je peux même voir les algues au fond. Je passe le Cap Colombier, qui était mon objectif de la veille, et je me rends jusqu’aux Ilets Jérémie. Sur quelques miles, une succession de petits chalets sur le bord du fleuve. Une grosse maison, la plus belle du lot avec son phare, c’est la dernière. Débute alors une longue plage d’environ 5 miles nautique jusqu’à la Pointe à Michel. Cet endroit sera la fin de ma journée, un mile avant la Baie des Outardes. Baie que j’aurai à traverser demain pour mon point de sortie.

 

Pointe à Michel, j’ai installé mon kayak à environ une centaine de mètres de la berge. La mer descend pour encore 3 heures. Je ferai quelques fois l’aller-retour pour vider mon kayak et installer mon campement pour la nuit. Intéressant de noter, l’endroit est un paradis pour les quads. Les 4 roues. Régulièrement, il en passe devant moi sur la plage. Ils m’envoient gentiment la main sans trop remarquer mon kayak qui est sur le bord de l’eau. Pour être certain qu’aucun accident ne survienne, je décide de monter mon kayak non loin du campement. Une belle remontée de 100 mètres avec un kayak encore assez lourd.

 

Cette fois-ci, un petit feu tranquille vers les 17h. Ce n’est pas le bois de berge qui manque. Pour rajouter à mon bonheur, avant mes orages de la nuit, j’ai le droit à une petite averse. Dans le sable, les pieds mouillés, je décide de préparer le souper. Un peu de vent, le réchaud MSR fait des siennes. Un key roll trop vieux qui décide de laisser passer l’essence, ce sera la dernière fois que je pourrai l’utiliser. Pour faire bouillir mon eau, j’utiliserai énormément de combustible et il ne me restera qu’un quart de bouteille.

 

Samedi, le 14 juillet 2012. Ragueneau.

 

Dernière journée de kayak. Destination, le quai municipal de Ragueneau. En quittant la Pointe à Michel, j’attaque la Baie des Outardes. Cap sur les isles de la Mine et Blanche à une distance d’environ 10 miles, je serai à un peu plus de 3 miles au large.

 

La marée monte, j’arriverai à mon point de sortie une heure après l’étale. Pour sortir de ma pointe et éviter celle de Betsiamites, je prends le large. 2 miles de parcourus, des dizaines (un peu plus d’une cinquantaine ?) de phoques, tout alentour de moi, me regardent. Il y en a partout, je n’en ai jamais vu autant. Comme l’eau n’est pas encore à son plus haut niveau, des petits sont couchés sur la batture de Betsiamites. Je prends encore plus le large  pour éviter d’être trop proche des petits. Partout, j’ai une escorte. Je suis entouré de phoques qui sortent leur tête et ensuite plongent. Je me pose la question : sont-ils agressifs ? Pendant plus de 45 minutes, je vais avoir une escorte derrière mon kayak. Je pagaie, cap sur mes isles, et j’entends certains phoques sauter ou faire du bruit en plongeant.

 

Contrairement au Fjord Saguenay, je n’ai pas grand endroit pour remplir mes bouteilles d’eau. Pour cette dernière journée, il me reste un litre dans le caisson de jour et un litre dans mon sac accroché à ma veste. Si le soir j’ai le droit à des orages, aujourd’hui il fait chaud. La dernière heure, je la ferai à sec. Trop chargé, je n’ose pas ouvrir le caisson de jour pour prendre ma réserve. J’ai soif, il me faudra attendre.

 

Betsiamites, village amérindien sur ma gauche. Plusieurs petites maisons et une église vue de loin, il aurait été agréable de passer plus proche. De la route, sauf les sapins et les affiches d’une réserve indienne, il n’y a pas grand-chose à voir. Dommage.

 

Je me rapproche de mes isles, mon cap (amer) est une sorte de tour blanche. De loin, je ne peux pas dire ce qu’il en est. Un coup de pagaie, l’un après l’autre, j’avance lentement. Je remarques des isles sur ma droite, j’étais quelques degrés trop sur la gauche. Je corrige mon azimut, je me rapproche. Maintenant, de plus en plus près, ma tour blanche est en fait un obélisque. C’est le quai municipal accommodé pour les visiteurs. Un bonhomme fort sympathique, Rénald Girard, qui habite Ragueneau depuis bien des années a eu l’idée de créer des scultures en béton. Deux dinosaures et un obélisque de 100 pieds de haut. Le lendemain, quand je serai en train d’attendre ma douce, j’aurai le plaisir de bavarder avec le bonhomme pendant deux heures. Histoires du coin, comment est la vie sur la Côte-Nord. Russel avait raison, une fois le premier contact passé, les gens de la région sont merveilleux.

 

Ce qui est bien avec ce quai municipal, c’est le gazebo pour se mettre à l’abri et bouffer un truc. Plusieurs gens s’y arrêtent et s’est aussi un endroit intéressant pour observer les oiseaux sur les îles non loin.

 

Derniers instants, je passe à côté des îles de la Mine et Blanche. Il y a des milliers de Goélands et Cormorans qui peuplent ces îles. Le bruit est incessant, jour et nuit, et l’odeur est affreuse. J’apprendrai plus tard qu’il y avait des arbres jadis sur ces îles. Excrément de cormorans, il ne reste plus que 3 ou 4 conifères, petits et timides. Comme je passe non loin, que le cormoran n’est pas un oiseau des plus braves, je provoque un décollage massif de la colonie. Je sais, il ne faut pas déranger les animaux. Je pensais être assez loin, faut croire que non.

 

Me voilà arrivé ! Je débarque, je monte jusqu’au stationnement et découvre un petit couple de Québec en train de bouffer une salade de chez McDo.

 

-Excusez-moi, vous savez s’il y a un dépanneur pas loin ?

 

-Au village. J’irais bien te reconduire, mais l’auto est remplie.

 

J’aime bien les gens de Québec. Je les remercie et leur explique que je suis en expédition solo et qu’il me reste encore pour quelques jours de nourriture. Habillé comme je suis, je passe plus pour le bonhomme 7 heures. Qui est ce drôle de bonhomme habillé en rouge qui sort de nulle- part ?

 

Je vais passer une soirée et une nuit sans bières ? J’attaque une heure pour me rendre au centre du village. J’accoste sur la berge à côté de l’accueil touristique de Ragueneau. Une jeune fille charmante (Valérie Tremblay) m’explique comment m’y retrouver. Un six pack de Bud, des Ruffle’s all dress et des bouteilles remplies d’eau fraîche, j’ai fait le plein de l’essentiel pour ma soirée. Je discute un peu avec Valérie, rempli son sondage sur la région et je retourne au quai municipal. J’y passerai la nuit, sous l’orage, derrière l’obélisque.

 

Au fil du temps, j’ai navigué sur le fleuve de Montréal jusqu’à la péninsule de Manicouagan. En solo ou en duo, je suis à deux doigts de me rendre jusqu’au Golfe du Saint-Laurent. Ce plan d’eau m’est magique. Pour les prochains jours, nous irons aux îles Mingan et ensuite Natashquan. « Les gens de ce pays… » Un bel été de 2012…

 

 

 

Version 4,12 décembre 2012

*Merci à la municipalité de Forestville pour les photos d'arboriduc